Rahel Strässle, IBM Research
Les mesures électroniques régulières sont plus précises et offrent également une vue synthétique sur l’état du patient.
La saisie et le traitement électronique d’informations sur le patient offre un potentiel aujourd’hui largement inexploité. Les données sont encore souvent notées sur des feuilles de papier stockées dans un cabinet de médecins, sans que ces informations aient la moindre chance de circuler, encore moins d’être agrégées ou combinées avec d’autres éléments. Les expériences grandeur nature tentant de démontrer que le recours à ces nouveaux outils – qui sont aujourd’hui parfaitement opérationnels du point de vue technologique – peut contribuer à rendre les traitements plus efficaces, voire moins onéreux, sont d’autant plus précieuses. C’est l’ambition du projet que mène IBM Research, en collaboration avec la startup docdok.health, et qui sera lancé au début de l’année prochaine à l’hôpital universitaire de Zurich. Il se focalise sur l’exemple concret de la BPCO (bronchopneumopathie chronique obstructive). Entretien avec Rahel Strässle d’IBM Research et Yves Nordmann, CMO de docdok.health.
Pourquoi avez-vous choisi la BPCO pour votre projet?
Rahel Strässle: La progression de cette maladie peut être capturée de manière idéale avec des moyens noninvasifs. Elle se distingue ainsi notamment des différentes formes de cancer. Le nombre de personnes touchées va croître, beaucoup d’entre elles ne sont d’ailleurs pas conscients d’avoir cette maladie.
Yves Nordmann: Nous constatons qu’il manque aujourd’hui aux médecins une sorte de tableau offrant une vue synthétique sur tous les facteurs significatifs. En ce qui concerne la BPCO, il y a même un manque total. Pourtant, ces données sont nécessaire pour bien traiter la maladie. Aujourd’hui, beaucoup de décisions doivent être prises en se basant sur des données précises seulement en apparence. Les médecins posent des questions aux patients, mais ceux-ci peinent à y répondre, parce qu’ils ne peuvent guère relever systématiquement ces données.
Les relevés permettront-ils surtout d’éviter les hospitalisations en cas d’attaques (exacerbations)?
Yves Nordmann: C’est clairement le problème principal. Rien que de regarder à des données de référence relativement simples permettrait déjà de les prévenir.
Rahel Strässle: L’idée est de prédire et de prévenir, c’est-à-dire d’inciter aussi les personnes touchées de rester actives sur le plan physique. Car il a été démontré que cette activité permet de diminuer le risque d’exacerbations.
Dans quelle mesure cette expérience sur la BPCO pourra-t-elle s’appliquer de manière plus générale?
Rahel Strässle: Je suis confiante que cela peut avoir un impact plus large. Il suffit de penser aux difficultés actuelles de contrôler l’adhésion du patient à une thérapie, autrement dit de vérifier si les quantités de médicaments prescrites sont effectivement prises, aux moments souhaités. Yves Nordmann: Les groupes pharmaceutiques vont toujours plus dans le sens d’appareils connectés. Pour 1/2 eux, savoir comment un médicament est pris fait vraiment une grande différence. A plus long terme, ces données réelles vont également changer la manière dont les traitements médicaux sont développés. Car dans le domaine de la médecine, il n’y a pas qu’une méthode qui convient à tous les patients, il faut les personnaliser de manière beaucoup plus forte, en se basant sur des données et des algorithmes. Rahel Strässle: Plus nous avons de données, plus la médecine peut être personnalisée. Actuellement, il est impossible de savoir ce qui se passe entre les visites du patient à l’hôpital. Mais ces données seraient cruciales pour comprendre une maladie.
Quel est le rôle qui revient aux outils d’analyse?
Rahel Strässle: D’ici 2020, il ne prendra plus que 73 jours pour que le volume de connaissances médicales se multiplie par deux. Mais ces données ne sont pas structurées. Il faut donc de l’intelligence artificielle, des méthodes big data pour les rendre vraiment accessibles et exploitables.
Yves Nordmann: C’est l’un des grands problèmes dans la médecine d’aujourd’hui. Il faut entrer dans un processus de gestion de la maladie, avec une formation du patient, en lui donnant des informations. Je suis intimement convaincu que cela représente la voie à suivre.
Mais comment un médecin pourrait-il facturer ces analyses de données?
Yves Nordmann: Ce sont clairement les prestations en l’absence du patient aujourd’hui si décriées qui sont en jeu. Mais elles sont très paradoxales: vous pouvez facturer un appel téléphonique, mais les précisions liées à d’autres modes de communication modernes, comme le mail, les SMS ou le chat, sont laissées ouvertes . Il faudrait en fait autoriser des prestations de télémédecine, comme cela est déjà le cas en Allemagne. Cela contribuerait à un déblocage, et motiverait mieux les médecins à s’orienter vers les approches plus focalisées sur les données. Et l’un des objectifs du projet est de démontrer qu’une approche centrée sur les données permet d’économiser de l’argent.
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